lundi, juillet 18, 2005

Belle du seigneur, la der des ders

Voilà j'ai finalement réussi. Il ne fallait pas en faire toute une histoire de ce fichu pavé. Il m'avait toujours impressionné, je le regardai depuis déjà quelques années du coin de l'oeil... sa grosse tranche qui insultait ma flemme trônait au milieu d'autres livres de moindre poids. Et au niveau densité, nombres de mots, technologie de brochure-poche, on est bien servi. 1100 et quelques pages bien découpées, bien justifées, bien imprimées. Mais c'est cette masse qui rend ce livre si attirant. Cette masse et son titre. Mystique, amoureux, lyrique. On a un peu la trouille de se lancer, épuisé d'avance, mais on a bien envie de relever le défi d'une longue, difficile, ténébreuse histoire d'amour. Et pourquoi pas ?
Ce coup-ci j'ai évité de débuter le livre un soir fatigué dans mon lit, meilleur moyen de ne jamais passer les 20 premières pages. Je l'ai lu en vacances. J'ai à peine vu les pyrénées du coup. Et je ne suis toujours pas sûr que le jeu en valait la chandelle.

C'est un livre lourd. Une fresque au poids. Un livre bavard. Des dizaines, des centaines de pages pour créer un "vrai" univers, pour exprimer chaque idée dans "toute" son infinie complexité. Des personnages décrit jusque dans leurs respirations les plus intîmes. Tellement qu'on en vient à se demander à quoi bon...
Adrien Deume, l'anti-héro, le cornu. L'homme veule, presque touchant d'ambition, des châpitres longs comme le désert de Gobi sur sa vie à la SDN, ses tailles-crayons, son bureau, ses dîners, ses promotions rêvées ou réelles. Si ça n'était pas si année 30, ce serait presque Houellebecquien. Vacuité totale de l'existence.
N'empêche que le caractère est si exagéré, si poussé dans la veulerie et l'amour de lui même, qu'il en devient un archétype, un "pilier comparatif", un miroir de certains de nos travers. De mes travers peut-être. Je me suis reconnu dans une part de sa terrible médiocrité. Comme on se reconnait toujours un peu dans le caractère du très méchant, le chef de l'organisation Spectre, le Dealer, le bourreau, le juge, le proxénète, le salaud, si il est un tant soi peu intéressant. Et bien Adrien Deume est de loin le personnage le plus intéressant du bouquin. Le reste est partagé entre juifs exubérants façon Mangeclous, juifs errants, juifs bavards comme visiblement Cohen aime à les raconter et vieilles rombières suisses religieuses à mourir d'ennui, voisines de bureau, de quartier ou d'hôtel. Le "monde" comme entité mondaine y a une large place. Il est à mourir d'ennui aussi. Hitler ou plutôt la haine du juif est partout. Les années 30. Mais rien de toute celà ne m'a vraiment accroché. Je lisais, tournant les pages nerveusement, comme écrasé par le poids du "encore à lire", et priais pour qu'au moins au chapitre suivant nous quittions cet interminable monologue intérieur qui franchement, à la longue....

Le centre du livre, sa charnière, son intérêt majeur, ce qui a fait mouiller des générations de futures jeunes femmes et bander autant de jeunes hommes en mal de référents sexuels, c'est Ariane et Solal. Pimbêche oisive et sublime d'un côté, séducteur libre, dieu-pan et homme du grand monde de l'autre (rien moins qu'un sous secrétaire général de la SDN, et poête, aventurier et spéculateur avec ça ! ).
L'amour les prend et les isole du reste du monde. Telle est l'idée majeure du livre, la passion exclusive qui les dévore et fait d'eux des parias. Quelques pages très belles sur la mélancolie de ceux qui sont sortis du monde. et puis des centaines de pages tristes. de résignation devant la future fin. des geignements à n'en plus finir de l'amant qui sait qu'un jour, bientôt, la fête sera finie. qu'elle est déjà finie mais qu'on maintient les apparences. AY !

Et plus j'avançais plus je m'enfonçais dans une sorte de mélasse mélancolique un peu addictive, un peu écoeurante, dont je ne savais plus trop comment me dépétrer. Je passais des pages, sautais des pragraphes entiers pour échapper à mon sort malheureux. Le livre m'épuisait. Je l'ai donc "fini" mais j'étais heureux d'en finir. Peut-être suis-je un peu vieux, ou un peu trop cynique. Peut-être aussi, surtout, ce livre est il un tantinet surestimé. J'ai en tout cas du lutter, devenir un marathonien de l'amour triste, un stakhanoviste de la mélancolie. Je l'ai méprisé, j'ai voulu le jetter, passer à autre chose, ouvrir une BD. Mais je l'ai fini. Tant bien que mal. Plutôt mal que bien. Et les personnages et leurs monologues interminables sont finalement restés quelque part, dans un coin de mon âme, tapis, modèles d'expériences non vécues qui nous en disent sur l'humain. Peutêtre cela valait-il le coup d'en chier un peu. De souffrir du dos penché sur la table de la terasse. De louper quelques ploufs dans la piscine. Un peu de vécu de perdu, un peu de vécu grapillé. Echange standard.
Belle du seigneur 1, maison Ollendorff 1, à vous Cognac-Jay.