jeudi, décembre 08, 2005

Malaparte - Kaputt

Trrraaauuurrrig ! s'écriait d'une voix perçante le général Dietl en imitant l'effroyable sifflement d'un Stuka jusqu'à ce que le général d'aviation Mensch hurlât : Boum ! pour imiter la terrible explosion de la bombe. Tous faisaient chorus avec des hurlements, des sifflements, des grondements, s'escrimant des lèvres, des mains, des pieds, pour reproduire l'écroulement des murs s'écroulant et le souffle hululant des éclats projetés dans le ciel par la violence de l'explosion. Trrraaauuurrrig ! criait Dietl. Boum ! hurlait Mensch. Et tous de faire chorus avec des cris et des bruits de bêtes. La scène avait quelque chose de sauvage et de grotesque, de barbare et d'enfantin tou tà la fois.

La dernière phrase résume un peu le livre à elle seule. Malaparte a été correspondant de guerre sur le front russe et en Laponie, pour les forces de l'axe. Récit proprement halluciné d'une Europe au dernier degré de la plus obscène des bêtises meurtrières. Description drôle et grotesque des nazis, des facscitses, des simples d'esprits cultivés et arrogants qui dirigent le "nouveau monde" de 1941, que Malaparte fréquente. diners mondains au milieu du charnier. écoeurement garanti. l'europe vomit une espèce de charbon qui suinte le corps humain. La guerre, elle le fait rire Malaparte. Et il n'ya vraiment rien de drôle.
Je n'arrive pas à croire que j'ai pu passer à côté d'un tel monument...

Cristelle... je te dois des excuses. tu m'avais prévenu et j'avais même fini par acheter ce fouttu livre. mon édition date de 1996... vieux motard....

mardi, novembre 15, 2005

Un peu d'histoire du futur - Peter F. Hamilton, Pandora's Star

I thank you for allowing my routine access to your circuitry. I can feel your emotional content perfectly...

La SF des années 2000 répète un peu ce que Hyperion avait défini (on sent aussi et c'est assez amusant pour être signalé, l'influence en version "serieuse" de Douglas Adams qui après tout n'avait pas eu besoin du net pour penser son "sub etha réseau". La cage à étoile de Dyson Alpha est un quasi pompage du cocon de temps ralenti du Guide du routard galactique).
Réseau de planètes connectées par des trous de vers, internet omniprésent, interfaces hommes machines et connectivité qui définissent les classes sociales, humanité qui approche la divinité (l'homme se reclone et conserve des memory cell pour vivre indéfiniment. Amortalité plutôt que immortalité) tout en restant indubitablement la même (mesquineries politiques, haines de bureau, porno, trahison à grande échelle etc.), machines qui evoluent de leur côté et jouent jeu trouble, races extraterrestre plus et moins développées... et guerre interstellaire avec une saloperie d'Alien digne du Starshiptrooper et franchement nazi (et tétu) sur les bords.

2000 pages (Pandora's star + Judas Unchained), un poil de ridicule, beaucoup de baston inutile, de personages fâlots mais quelques vertigineuses perspectives. Impossible de le lacher. Le pied.

dimanche, octobre 30, 2005

Slavoj Zizek - Bienvenue dans le désert du réel

And was the bombing of the WTC with regard to the Hollywood catastrophe movies not like the snuff pornography versus ordinary sado-maso porno movies? This is the element of truth in Karl-Heinz Stockhausen's provocative statement that the planes hitting the WTC towers was the ultimate work of art: one can effectively perceive the collapse of the WTC towers as the climactic conclusion of the XXth century art's "passion of the real" - the "terrorists" themselves did not do it primarily to provoke real material damage, but FOR THE SPECTACULAR EFFECT OF IT.


Voilà c'est zizek. c'est assez joyeux. ça pose les bonnes questions à ceux qui se croient encore de gauche et ne se reconnaissent plus dans les nonistes, les facteurs, les anciens staliniens ou les sociaux démocrates. qui cherchent autre chose. zizek est excitant. trois couches de réflexions connectées, métaphysique (une recherche sur le réel et sa perception),psychanalytique et politique. "une culture de mort" démocratique. une culture de vie, de la politique squ'il ne fuat plus laisser aux seuls facistes. une esquisse d'un nouveau socialisme.

jeudi, octobre 06, 2005

Tim Powers - Les voies d'Anubis

Alex me l'a rendu en me disant "bof". et en me demandant pourquoi je lui faisait toujours lire le même livre (oui je lui avait passé Le Quinconce et la bio de Burton qui tous les deux se passent dans le Londres de la grande époque). Tant pis pour lui !
Je n'ai pas pu m'empêcher, presque un peu coupable, un peu tremblant de honte de m'en relire de longs longs passages pour la dix ou douzième fois.

Je ne raconterai que ça : mais ne lisez pas si vous n'avez jamais lu ce livre ! SPOILERS !
Brendan Doyle est un professeur de littérature, en 1983, qui se rend à une lecture sur Coledrige. Il ecrit un livre sur un poete méconnu de la meme époque (Londres 1810), William Ashbless. Suite à de nombreux quiproquos Doyle voyage dans le temps puis change de corps. Il se rend compte que Ashbless, c'est lui. Il ecrit alors DE MEMOIRE les poemes de Ashbless et les envoie aux bonnes dates aux memes editeurs pour respecter la continuité historique. Les poèmes de Ashbless n'ont donc jamais été écrit, juste récités de mémoire par son biographe.

C'est le genre de paradoxe qui garantit le succès d'un livre sur le voyage temporel. Les voies d'anubis, avec son emphase sur le vieux Londres de Shelley et Byron, sa magie égyptienne, son Joe-Face de chien qui change de corps mais a quelques problèmes de pilosité, ses congrégations de mendiants, ses sous-sols hantés, ses dizaines de personnages secondaires qui surgissent des pages tellemetn ils sont sublimement vrais, est sans aucun doute le plus grand livre de voyage temporel de tous les temps (ha ha ha).

Hunter Thompson - Hell's Angels

Bien entendu, à l'heure ou les Angels se retrouvaient chez Nick ce soir là, personne n'aurait pu prévoir qu'un modeste viol allait leur assurer une percée comparable à celle des Beatles ou de Dylan

"...entre la barbe teinte en vert ou en vermillon, les énormes lunettes de soleil fluorescentes, l'anneau de cuivre à la narine, les capes ou les bandeaux apaches claquant au vent, sans compter l'anneau corsaire, les croix gammées et les casques à pointe pour compléter l'uniforme - jean raide de cambouis, blouson sans manches, tatouages divers : Maman, Dolly, Hitler, Jack l'éventreur, LSD, Love, Viol et autres swastikas et têtes de mort"

Alexandre Zinoviev : la maison jaune

"j'avais promis d'élucider la différence entre un imbécile et un crétin . Cependant j'ai découvert que c'était moins simple qu'on pouvait le croire (...). Chez nous même les dames du vestiaires savent que Barabanov est un crétin et non un imbécile, mais que Soubbotine est un imbécile et non un crétin. Il nous suffit de jetter un coup d'oeil sur un savant pour savoir aussitôt si il est un imbécile, un âne, un crétin ou un débile (..)"

(l'écriture dissidente période soviétique c'est quelque chose !)

dimanche, septembre 11, 2005

Eugene Thacker n'a pas froids aux yeux : Biophilosophy for the 21st Century

http://www.ctheory.net/articles.aspx?id=472

"Biophilosophy is an approach to nonhuman life, nonorganic life, anonymous life, indefinite life -- what Deleuze calls 'a life.' But the trick is to undo conventional biological thinking from within. Biophilosophy focuses on those modes of biological life that simultaneously escape their being exclusively biological life: microbes, epidemics, endosymbiosis, parasitism, swarms, packs, flocks, a-life, genetic algorithms, biopathways, smart dust, smartmobs, netwars -- there is a whole bestiary that asks us to think the life-multiplicity relation".


headless animality. un pouvoir sans tete. une organisation sans tête.
Les éléments d'un programme de vie artificielle qui se recombinent pour s'assigner une tâche.
en faire un modèle politique ! une societe sans controle, sans hierarchie, sans rôles. il y a quelque chose derriere tout ce fatras deleuzien... quelque chose de dandy-esque, de grotesque et de superbe à la fois. je ressens un peu du choc purement esthétique que m'avait donné foucault...

vendredi, septembre 02, 2005

Démocrite en feu, Socrate en pleine lucarne (2) : A history of philosophy - F. Copleston (3)

Après les "scientifiques", les philosophes qui ont spéculé sur le monde, est venu l'ère des sophistes qui sont les petits malins relativistes qui s'interessent à l'homme et donc à la cité, plutôt qu'à ces inutiles questions de la substance du monde. Les sophistes c'est un peu les Cap Gémini de l'antiquité. Ils faisaient de la rhétorique. Ils se servaient de leurs barbes et de leur toges comme d'autres se servent de Power point : donnaient des cours d'éloquences à des riches ex futurs hommes de gouvernement.
Les sophistes sont les enfants de la communication politique, de la démocratie. Ils ne croient pas aux choses éternelles, aux fondements inamovibles du monde. Ils sont un peu post modernes quoi.

Ils ont au moins servi à ce que Socrate et Platon entrent dans la danse, petite gigue éthique et métaphysique.
Inductions, déductions, concepts et idées, rapports entre choses et mots.
Substance des formes, démiurges. Depuis l'idée jusqu'au monde (et non l'inverse), jusqu'auX mondeS. Celui des sens qu'on méprise, celui des idées qui a plusieurs étages à sa fusée, étages de pureté, le dernier étant la pensée pure, les "formes", eidos, dont le monde n'est que le pale reflet, l'adaptation mortelle de ces seules choses éternelles. question non résolue du rapport entre ces pensées pures et le monde tel qu'il apparait aux sens.

Démocrite en feu, Socrate de notaire : A history of philosophy - F. Copleston (2)

J'avance doucement dans la grande aventure de la philosophie grecque en anglais. C'est un puissant narcotique mais faut s'accrocher, et puis on est vite récompensé. 100% spéculogène. je me retrouve à tourner en rond dans mon salon et à m'interoger sur substance/être, temps/espace, idées... L'un et le multiple. La substance du monde. Le changement qui n'est qu'une illusion. Le quelque chose qui ne peut pas venir du néant.

J'aurai voulu être un philosophe grec. Courrir nu dans les champs d'olivier de l'innocence du savoir à l'aube de la civilisation. Spéculer sur l'univers, déclamer des vers, jouer de la harpe et se laver les doigts dans les cheveux bruns de jeunes esclaves bronzé(e)s.

Et puis si j'étais philosophe grec, j'aurai une barbe et une toge. La toge remplacerai avantageusement ma serviette noire dont je me sert pour imiter Bela Lugosi en sortant de ma douche.
Et j'aurai alors "le droit" de réfléchir aussi à la substance du monde.
Cette nuit je me suis reveillé en sueur, j'avais démontré l'existence de dieu.

Voilà ce que j'ai écrit, tard très tard avant de me recoucher en me traitant de clown.
y'a tout ce que j'ai lu ces derniers temps mélangé au shaker.
Ca s'appelle : "le principe de multitude", et effectivement ça démontre, dans ses dernières lignes, l'existence de dieu. c'est je tiens à l'admettre tout de GO, un poil anthropomorphique, difficile d'y resister.

On pourrait même tirer de ma théorie une petite éthique du comportement humain qui règlera les difficultés de gouvernement pendant les 12 prochains milliards d'années. Ne me remerciez pas, je l'ai fait comme ça, histoire de.


La suite



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L'un n'a jamais existé. L'élan vers le multiple ne connait pas de prédécesseur. la "scène" de la matière une et unifiée attendant la singularité qui va la déséquilibrer est une fiction. Cette substance unifiée, uniforme, sans tensions, parfaite, totale, serait incapable de différence donc de changement.
L'élan vers le multiple et l'être sont une seule et même chose (c'est à dire que non : l'UN n'existant pas... il faudrait dire : ). la "singularité" du big bang est consubstancielle à l'être. "il" est déjà plusieurs. L'être est une tension vers le multiple. Le "monde" est un flux qui travaille sa multitude. Un élan.

(les termes "monde" et "univers" ne doivent donc pas s'entendre ici comme une totalité, mais plutôt comme le multiple tel que le petit cerveau humain est capable de l'appréhender. de même il ne faudrait pas dire "le multiple" mais les multitudes)

Le principe de multitude est un principe d'organisation, une stratégie.
La multitude des particules de substance est stérile si elle n'est pas organisée.
Le principe de multitude organise en parties, en ensembles.
C'est ce regroupement en "individus", en "systèmes" qui paradoxalement est garant de la multitude. L'existence d'ensembles différents crée des singularités, des conditions particulières, des états différents/nouveaux de substance, des substances. ici se pose un problème : le principe de multitude ne peut pas se contenter de répartir la substance, il doit la creer. l'acte de separatoin/division est un principe createur. la preuve : la conscience est constituee de la matiere du monde, elle est en quelque sorte une simple "répartition" de matière, mais l'observe, est donc en dehors de lui. le principe de multitude est une stratégie de création par répartition. rien ne se perd mais tout se cree.


la substance, les parties de substances, s'agrègent et se séparent.
Les parties deviennent autonomes laissant le vide s'installer entre elles.
Les conditions particulières entraînent des déséquilibres. des effets d'attraction et de répulsion.

bénissons le vide qui est la condition d'existence de la différence, du multiple.

le principe de multitude agrège pour diviser, divise pour créer.
Amas, galaxies, systèmes stellaires, planètes.
La planète est l'étalon monde, le système clos qui permet de réunir les conditions de la complexité.

L'aboutissement premier du principe de multitude est la complexité :
La complexité est une accélération du mouvement aggrégation/division. une échelle supplémentaire. La matière s'organise en structures capables de s'organiser, capables de réaliser des ensembles de structures, jusqu'à aboutir à des "êtres". le multiple fait l'individu. qui se replique et mute, evolue. participant au programme du complexe.
L'idée d'individu, d'être vivant, n'est pas en contradiction avec le principe de multitude. Parceque l'individu vivant est enfant du principe de complexité, lui meme enfant de la multitude, et ensuite parcequ'il tend lui même à fabriquer de la complexité. l'individu est un agent de la complexité. Tout comme la matiere s'est regroupée et séparée pour permettre le multiple, l'individuation est necessaire à la complexité.

La complexité n'est pas une agrégation/division, c'est une organisation/multiplication, une programmation du multiple.

La vie est un programme d'accélération du principe de multitude. On passe de l'itération au foisonnement.
Les structures se reproduisent et evoluent en fonction de leur environnement. elles donnent elles mêmes des structures différentes. Possibilités toujours croissantes.

L'éco-système, étalon-monde étant clos, limité en taille et en substance, les structures vivantes s'en partagent l'usage. la reproduction doit donc avoir son contraire. la recherche de la multitude est contraire à l'idée d'éternité. comme le vide est indispensable au multiple, la mort est necessaire au complexe.

Le complexe progresse par sélection des structures les plus fiables, les plus aptes à la multiplication. le foisonement implique oppositions de styles et confrontations. puis raffinement des structures. Un des aboutissement de ce raffinement est la conscience.

La conscience est la capacité de l'univers à se voir depuis un dehors. Les multitudes deviennent, depuis l'oeil conscient, UN univers. s'individualisent dans un processus maintenant connu pour servir l'élan multiple.
Il n'est de "monde" que si il est une conscience pour l'observer ET
le monde n'existe qu'en tant que réduction par la conscience de la multitude, du flux, de l'élan multiple, en une chose unique.
en disant "monde" ou "univers" on pose des limites, on s'offre la possibilité d'appréhender ce qui nous entoure, on repose notre esprit, trop petit pour voir plus loin.
La création du "monde" par la conscience permet la compréhension de ses lois, sa maîtrise. c'est une fiction necessaire.

Le principe de multitude génère son contraire.
le regroupement de matière est une condition du multiple, mais est aussi potentiellement une source de non-être.
Le big crunch c'est la résorbtion du vide, l'effacement du multiple, la voie vers une matière unique, la tendance au non-être. C'est l'univers qui s'effondre faute de vide.
L'univers si il doit aboutir, empêchera le big crunch.
L'univers joue une course contre la montre. contre lui même. c'est le combat du multiple et de l'un.
Conscience et multitude contre le regroupement, le non-être unique.

version optimiste : bien avant que la substance ne devienne une, la conscience sera devenue ultime, les consciences seront omniscientes.
nous appelons conscience ultime la conscience omnisciente, l'être (les êtres, la civilisation, la/les machines, les êtres travaillant en commun) capable d'agir sur la substance de l'être, sur l'univers, capable d'organiser à son vouloir le multiple.

La conscience ultime est lêtre/ensemble d'êtres qui crééra l'outil de réorganisation (reprogrammation) de l'univers/de la multitude (Peut-être l'être plus complexe qui nous suivra sera celui capable d'appréhender le multiples, les multitudes, qui n'aura pas besoin de fiction pour fonder son jugement)

Dieu est l'aboutissement de notre univers, et l'architecte du prochain.
Il ne préexiste donc pas aux choses. il est l'enfant de l'homme (de l'être conscient), "dieu" c'est la / les consciences omniscientes nées de la complexité.
Par le biais de la science (la technique de maîtrise de l'univers née de la conscience et menant à l'omnipotence), c'est à dire de l'appréhension de plus en plus précise du monde/des multiples; l'univers pourra devenir autre, la conscience devenant capable d'agir sur la matière, de définir ses principes d'organisation, de creer les lois, les outils du principe de multitude.

l'univers ne va pas "devenir autre" mais accoucher d'un autre, créé par lui, créé par les structures autonomes qu'il a créé, devenues par apprentissage et sélection, omnipotentes. C'est l'aboutissement logique du principe de multitude.

Les distances infinies sont la seule demeure à la taille d'une conscience ultime.
L'homme a gagné en même temps qu'il atteignait aux premiers stades de la conscience, la prescience de "dieu". l'être suprême sur qui il fonde le socle de ses actions, sa morale, n'est que la prescience de son devenir, du possible qui est en la conscience. Le vertigineux gouffre entre le possible et le présent est la source de sa "tragédie".

l'Univers verra t il ses consciences d'origines différentes se fondre en une, ou du moisn collaborer, fonctionner comme une structure qui représenterait bien plus que l'addition de ses parties ? ou faudra--il une sélection ? la machine, enfant du complexe, est-elle la première génération de l'appréhension vraie, celle du multiple ? La machine est elle l'étape deux de la conscience, la création de l'hyperconscient par le conscient, l'univers qui crée enfin les conditions de la transformation de ses lois ?

a ceux qui objecteraient que dieu prééxiste aux choses même selon mon système puisque notre univers pourrait être l'enfant d'une conscience devenue suprème, d'une civilisation qui a passé de l'état d'acide aminé à celui d'assemblée d'êtres omniscients, je répondrai qu'alors il ne faut pas l'appeler "dieu" mais notre aîné et ne pas avoir plus de considération pour lui que l'on en a pour son père ou sa mère ou l'entièreté du multiple, les multitudes qui ont façonné le code qui sert de programme à nos cellules. des salamandres, des singes, que sais-je encore. Le respect, le besoin, la nécessité, mais pas l'adoration parce qu'un jour nous seront nous aussi pères.

J'ai triché, je n'ai pas résolu la question de l'origine des choses. IL n'y a pas "d'origine des choses".
D'où vient le principe de multitude ? L'être est le principe de multitude. il n'y a jamais eu d'unique substance, jamais eu de non-être. Ce qui est ne peut provenir du néant. et le monde n'existe pas en tant que "monde". c'est un principe de flux, un élan. Peut etre le multiple connaît il des rythmes d'expansions variables, fut-il incapable de s'organiser. Le multiple peut dépérir, stagner, tendre vers l'unique.
La soupe primitive est peut être une de ces stagnations. Le principe de multitude s'y fabrique, c'est peut etre lui le dieu-cause, il cherche une faille pour s'engouffrer, le presque-un doit organiser ses minuscules aspérités, le presque un puisqu'il est tend vers le multiple, organise sa stratégie. La singularité, les singularités, sont à la fois mères et filles du principe de multitude. le multiple est sa propre cause.

lundi, août 15, 2005

Conrad Fight ! (3) - Au bout du rouleau / Typhon

Au bout du rouleau c'est le vieux capitaine de Marine qui ne peut pas prendre sa retraite et devient peu à peu aveugle mais le cache à son employeur. Typhon c'est le bateau plein de passagers chinois, qui ont embarqué avec toute leur fortune dans des petites malles de bois, pris dans un typhon. Les malles explosent sous le choc des vagues et les passagers s'entretuent pour les pièces qui volent partout dans la soute où ils sont parqués. Deux nouvelles très cruelles.

Arthur C Clarke - Rendez-vous avec Rama

C'est pour faire des pauses dans Conrad, qui est grand et peut être un peu trop et on a pas toujours envie d'être face au granit. Rama est une arche extra-terrestre qui apparaît quelque part dans le système solaire. Une équipe est détachée pour aller l'explorer. C'est une sorte de monde complet, avec son petit ocean, ses plaines, ses champs prêts à être labourés. Le livre n'est pas aussi bon que 2001/2010 mais ca ouvre quand même quelques perspectives. De voyage spatial sur des centaines/des milliers d'années. Il en existe trois suites écrites avec un autre romancir de SF, mais je ne sais pas pourquoi j'ai pas confiance.

mardi, août 02, 2005

Conrad FIGHT! (2)

"il tint à un cheveu que je n'eusse l'occasion de prononcer ma dernière parole, et je constatai avec humiliation que probablement je n'aurai rien eu à dire" (Au coeur des ténèbres).

Pythagore movie : A history of philosophy, volume 1 Greece & Rome, par F. Copleston

Je viens d'apprendre que les pythagoréens interdisaient de manger les haricots. Ca m'en a bouché un coin. Pas de viande non plus, mais c'est pour une raison un poil plus claire : la métempsychose. Pour les haricots, ALex d suggère que ca soit le pet. La pétempsychose. à voir.
Selon Thales, tout dérive de l'eau. Selon Anaximenes c'est l'air qui est la source de toute chose. condensée elle devient le roc et la terre. raréfiée elle devient le feu. en son état medium elle est l'air que nous respirons. Anaximander a une meilleure idée : quelque chose est à la base de toute chose. une substance sans limites, éternelle et sans age. elle entourre le monde.

lundi, juillet 25, 2005

Passe à ton voisin - "fetes sanglantes et mauvais gout" - Lester bangs

(le titre n'accepte pas les accents donc c'est pas de ma faute)

Je n'ai toujours pas lu l'autre Lester Bangs, celui qui est rose, qui s'appelle "carburateur fatigué". Je ne suis plus très sûr du titre... j'en avais parcouru des bouts par dessus l'épaule de mon voisin d'eurostar y'a pas si longtemps et j'en étais devenu fou. Alors j'ai acheté celui que j'ai trouvé, c'est à dire l'autre, le bleu, les fêtes sanglantes.
De l'écriture gonzo qui fait rêver, des phrases bien senties sur la musique, le nerdisme musical, le sexe, la vie, les français et les anglais. la vie aux youessä. Et puis du pur et dur, morceaux de bravoures et digressions lyriques et interminables sur ce qu'il faut bien maintenant appeler l'histoire de la pop musique. Des chroniques de disques qui pour certaines resteront bien plus longtemps comme des oeuvres que les disques commentés. Madre de dios, tant de choses sont tombées dans l'oubli ! Mais aussi des chroniques essentielles de pans essentiels de la culture pop. C'est extrêmement jouissif. Mention spéciale au voyage en jamaïque pour interviewer Bob Marley. Et aux remarques du genre "je ne pense pas que Throbbing Gristle sera réédité en 2000". Le chroniqueur de rock, si génial qu'il soit, a bien le droit de se planter.
Derrière la matière brute, le disque, la musique, la culture "pop" au sens très large, se dégage une sorte de philosophie, de rapport à soi et aux autres, d'éthique, de way of life.

jeudi, juillet 21, 2005

La (lourde) tache de Philip Roth

Le problème de "la tâche", hormis quelques fulgurances où l'on sent le gars ne plus se regarder dans le miroir, c'est le talent -unanimement salué par la presse en délire - de P. Roth.
A force d'être aussi clinique dans ses descriptions de destins croisés, d'être aussi précis, on finit par ne ressentir qu'un grand détachement, un grand rienàfout' de leurs vies à tous. Manque vraiment le soupçon d'empathie, qui ferait du livre une chose inoubliable.
Et on en vient à rater les grands moments de bravoure (les véterans vietnamiens) parceque justement ils ont été préparés pendant des dizaines de pages à être des moments de bravoures. J'ai la vaste impression qu'on cherche à me mettre de la poudre aux yeux et ça m'agace. Notez que j'ai longtemps pensé ca de Céline, mais au moins j'avais l'honneteté de ne pas l'avoir lu.
Comme si on avait fait une erreur au montage et mis la musique "suspense" en plein pendant la scène d'amour. Ou pire pendant la scène d'images de montagnes au début du film, pendant le grand travelling qui va nous amener à la maison du héro.
Il y a donc quelque chose de faux au royaume du danemark. On pourrait me rétorquer que Roth n'a que foutre de mon empathie pour ses personnages. On pourrait ouais. Mais moi je lui demanderai bien si il en ressent au moins un peu. parceque quelque part, ça me rassurerai.

Splendeurs de la littérature canadienne (1)

Ma femme* (canadienne) me dit souvent... que les clichés européens sur les canadiens avec leurs Ours sont un peu ridicules. Que nous les français on fait rien qu'à croire que l'ours polaire rôde partout et bouffe leur sirop d'érable.
Bon.
N'empêche que c'est elle qui a trouvé ce livre et me l'a ramené d'une librairie de Vancouver.
Ca s'appelle "Bear". Je ne l'ai pas encore lu. C'est une femme qui tombe amoureuse d'un ours et qui fait plein de trucs avec lui. Ca n'est ni... humoristique, ni euh porno. Non c'est serieux. Plutôt du genre Harlequin.

Promis je m'essaierai à le lire pour un prochain post.

http://members.tripod.com/~The_Mighty_J/pics/bear.gif


* : ca y'est ! je l'ai fait ! je l'ai appelé "ma femme" . HA HA HA

Slavomir Rawicz n'est pas du genre à se plaindre ("A marche forcée")

Une histoire vraie et hallucinante. 1940. Rawicz est un capitaine polonais qui évite le massacre nazi de justesse (ah l'attaque valeureuse de la cavalerie contre les tanks !) et s'enfuit en URSS... la bonne idée... prison pour espionnage où l'on cherche a le faire avouer, mais sans le tuer, en le maintenant juste en vie. incompréhensible machine communiste qui veut absolument produire des aveux. torture. il tient. Loubianka, sous sols du KGB. un an de galère. Aveux signés de force. Condamnation à 25 ans de goulag. Long voyage hivernal en train. 3 semaines je crois. Puis deux mois a remonter en sibérie vers le cercle polaire. le livre est à suivre sur une carte. puis c'est l'évasion et la déscente à pied vers l'Inde via Gobi et l'Himalaya.
Une paille !
Ca n'est pas vraiment "écrit". C'est un récit rédigé par un journaliste sur les dires de Rawicz, qui vit toujours, et c'est chose à peine pensable. Qu'un être humain comme vous et moi en soit passé par là. S'en soit finalement sorti indemne (voir quand même le châpitre sur l'hôpital où le convalescent pendant un mois accumule du pain sous son oreiller et tente de s'enfuir toute les nuits. Les infirmières restent patientes). Derrière l'exploit une certaine élégance des rapports humains, à laquelle on a du mal à croire, une sorte de scoutisme à la dure où l'on perd ses dents et souffre en silence. patriotisme de rigueur. C'est un drôle de livre.

Haruki Murakami - La course au mouton sauvage

Une femme aux oreilles sublimes, un mouton qui rentre dans les têtes et donne des tumeurs au cerveau, un publicitaire poursuivi par des yakuza, l'extrême droite japonaise, et cette impression sourde, inquiétante qu'à trente on est encore rien mais que l'on a tout dit. cette inquiétude générale, tristesse qui n'a pas de nom, humour gris. C'est un très beau livre, "la course au mouton sauvage", un petit peu surréaliste, un petit peu zen, un peu rohmer, un peu kitano. Petites touches; dépassionné, touchant. A ne pas confondre avec l'autre Murakami. Celui qui fait des livres où des femmes fouettent des hommes qui fouettent des femmes.

mercredi, juillet 20, 2005

Conrad FIGHT ! (1)

En lisant Conrad, je me suis senti tout petit, et c'est une chose délicieuse et frustrante à la fois.
Petit face aux éléments déchaînés qui sont le principal personnage de presque toutes ces histoires. Mais aussi, bien sûr, petit face au personnage. Qui a eu une vie aussi remplie ? Qui a vu autant de pays, avion contre vapeur ? Comme si certaines vies se déroulaient sur une sorte de ligne temporelle parallèle, vitesse accrue.


"il éprouva soudain une troublante sensation d'insécurité, la notion bizarre, absurde et instantanée que la maison avait remué légèrement sous ses pieds" (Le retour)
Un monde s'écroule. Le merveilleux n'a plus lieu d'être. Le surnaturel n'est plus. Les bateaux ne hantent plus seuls les mers désolées. Le monde est devenu le terrain de jeu, ou plutôt le bureau de la civilisation occidentale. Ce que Conrad cherche pourtant dans ses portraits d'hommes ultimes ou en situations ultimes, c'est à réintégrer le merveilleux, mais dans l'homme. Une sorte d'humanisme surnaturel, peuplé de fantômes et de revenants errants, qui ont pignon sur rue. Qui existent. Souvenirs, impalpables sensations. Tout est au bord de venir d'une autre dimension, mais tout est "vrai". Conrad est une sorte d'anti Oscar Wilde. Il ne croit pas aux fées. Mais il voit les fantômes qui nous terrorisent. Nos mauvais souvenirs, nos mauvais présages, nos mauvaises illusions, nos mauvaises vies. Les orages sont aussi forts, les falaises aussi hautes, les présages aussi sombres que dans Frankenstein ou Byron, mais le monde est bien plus cru. Phrases ultimes. On en sourri des fois parceque qui oserait une telle accumulation de verbe maintenant ?
"Une bouffée de vent froid (...) lui effleura le visage d'un frôlement gluant. Il aperçut les ténèbres sans fin où l'on distinguait un noir fouillis de murs entre lesquels de nombreuses rangées de réverbères s'étendaient à perte de vue, comme des perles de feu". Le romantisme est presque tout crevé. Freud pointe le bout de son nez. La réalité apparaît dans toute son impensable densité, aussi surpeuplée et aussi floue que les limbes. Et l'on sent, presque palpable, la dissolution de l'ancien monde, celui du spirituel, qui disparaît comme la course à l'échalotte coloniale le refaçonne à la truelle.

lundi, juillet 18, 2005

Belle du seigneur, la der des ders

Voilà j'ai finalement réussi. Il ne fallait pas en faire toute une histoire de ce fichu pavé. Il m'avait toujours impressionné, je le regardai depuis déjà quelques années du coin de l'oeil... sa grosse tranche qui insultait ma flemme trônait au milieu d'autres livres de moindre poids. Et au niveau densité, nombres de mots, technologie de brochure-poche, on est bien servi. 1100 et quelques pages bien découpées, bien justifées, bien imprimées. Mais c'est cette masse qui rend ce livre si attirant. Cette masse et son titre. Mystique, amoureux, lyrique. On a un peu la trouille de se lancer, épuisé d'avance, mais on a bien envie de relever le défi d'une longue, difficile, ténébreuse histoire d'amour. Et pourquoi pas ?
Ce coup-ci j'ai évité de débuter le livre un soir fatigué dans mon lit, meilleur moyen de ne jamais passer les 20 premières pages. Je l'ai lu en vacances. J'ai à peine vu les pyrénées du coup. Et je ne suis toujours pas sûr que le jeu en valait la chandelle.

C'est un livre lourd. Une fresque au poids. Un livre bavard. Des dizaines, des centaines de pages pour créer un "vrai" univers, pour exprimer chaque idée dans "toute" son infinie complexité. Des personnages décrit jusque dans leurs respirations les plus intîmes. Tellement qu'on en vient à se demander à quoi bon...
Adrien Deume, l'anti-héro, le cornu. L'homme veule, presque touchant d'ambition, des châpitres longs comme le désert de Gobi sur sa vie à la SDN, ses tailles-crayons, son bureau, ses dîners, ses promotions rêvées ou réelles. Si ça n'était pas si année 30, ce serait presque Houellebecquien. Vacuité totale de l'existence.
N'empêche que le caractère est si exagéré, si poussé dans la veulerie et l'amour de lui même, qu'il en devient un archétype, un "pilier comparatif", un miroir de certains de nos travers. De mes travers peut-être. Je me suis reconnu dans une part de sa terrible médiocrité. Comme on se reconnait toujours un peu dans le caractère du très méchant, le chef de l'organisation Spectre, le Dealer, le bourreau, le juge, le proxénète, le salaud, si il est un tant soi peu intéressant. Et bien Adrien Deume est de loin le personnage le plus intéressant du bouquin. Le reste est partagé entre juifs exubérants façon Mangeclous, juifs errants, juifs bavards comme visiblement Cohen aime à les raconter et vieilles rombières suisses religieuses à mourir d'ennui, voisines de bureau, de quartier ou d'hôtel. Le "monde" comme entité mondaine y a une large place. Il est à mourir d'ennui aussi. Hitler ou plutôt la haine du juif est partout. Les années 30. Mais rien de toute celà ne m'a vraiment accroché. Je lisais, tournant les pages nerveusement, comme écrasé par le poids du "encore à lire", et priais pour qu'au moins au chapitre suivant nous quittions cet interminable monologue intérieur qui franchement, à la longue....

Le centre du livre, sa charnière, son intérêt majeur, ce qui a fait mouiller des générations de futures jeunes femmes et bander autant de jeunes hommes en mal de référents sexuels, c'est Ariane et Solal. Pimbêche oisive et sublime d'un côté, séducteur libre, dieu-pan et homme du grand monde de l'autre (rien moins qu'un sous secrétaire général de la SDN, et poête, aventurier et spéculateur avec ça ! ).
L'amour les prend et les isole du reste du monde. Telle est l'idée majeure du livre, la passion exclusive qui les dévore et fait d'eux des parias. Quelques pages très belles sur la mélancolie de ceux qui sont sortis du monde. et puis des centaines de pages tristes. de résignation devant la future fin. des geignements à n'en plus finir de l'amant qui sait qu'un jour, bientôt, la fête sera finie. qu'elle est déjà finie mais qu'on maintient les apparences. AY !

Et plus j'avançais plus je m'enfonçais dans une sorte de mélasse mélancolique un peu addictive, un peu écoeurante, dont je ne savais plus trop comment me dépétrer. Je passais des pages, sautais des pragraphes entiers pour échapper à mon sort malheureux. Le livre m'épuisait. Je l'ai donc "fini" mais j'étais heureux d'en finir. Peut-être suis-je un peu vieux, ou un peu trop cynique. Peut-être aussi, surtout, ce livre est il un tantinet surestimé. J'ai en tout cas du lutter, devenir un marathonien de l'amour triste, un stakhanoviste de la mélancolie. Je l'ai méprisé, j'ai voulu le jetter, passer à autre chose, ouvrir une BD. Mais je l'ai fini. Tant bien que mal. Plutôt mal que bien. Et les personnages et leurs monologues interminables sont finalement restés quelque part, dans un coin de mon âme, tapis, modèles d'expériences non vécues qui nous en disent sur l'humain. Peutêtre cela valait-il le coup d'en chier un peu. De souffrir du dos penché sur la table de la terasse. De louper quelques ploufs dans la piscine. Un peu de vécu de perdu, un peu de vécu grapillé. Echange standard.
Belle du seigneur 1, maison Ollendorff 1, à vous Cognac-Jay.