lundi, juillet 25, 2005

Passe à ton voisin - "fetes sanglantes et mauvais gout" - Lester bangs

(le titre n'accepte pas les accents donc c'est pas de ma faute)

Je n'ai toujours pas lu l'autre Lester Bangs, celui qui est rose, qui s'appelle "carburateur fatigué". Je ne suis plus très sûr du titre... j'en avais parcouru des bouts par dessus l'épaule de mon voisin d'eurostar y'a pas si longtemps et j'en étais devenu fou. Alors j'ai acheté celui que j'ai trouvé, c'est à dire l'autre, le bleu, les fêtes sanglantes.
De l'écriture gonzo qui fait rêver, des phrases bien senties sur la musique, le nerdisme musical, le sexe, la vie, les français et les anglais. la vie aux youessä. Et puis du pur et dur, morceaux de bravoures et digressions lyriques et interminables sur ce qu'il faut bien maintenant appeler l'histoire de la pop musique. Des chroniques de disques qui pour certaines resteront bien plus longtemps comme des oeuvres que les disques commentés. Madre de dios, tant de choses sont tombées dans l'oubli ! Mais aussi des chroniques essentielles de pans essentiels de la culture pop. C'est extrêmement jouissif. Mention spéciale au voyage en jamaïque pour interviewer Bob Marley. Et aux remarques du genre "je ne pense pas que Throbbing Gristle sera réédité en 2000". Le chroniqueur de rock, si génial qu'il soit, a bien le droit de se planter.
Derrière la matière brute, le disque, la musique, la culture "pop" au sens très large, se dégage une sorte de philosophie, de rapport à soi et aux autres, d'éthique, de way of life.

jeudi, juillet 21, 2005

La (lourde) tache de Philip Roth

Le problème de "la tâche", hormis quelques fulgurances où l'on sent le gars ne plus se regarder dans le miroir, c'est le talent -unanimement salué par la presse en délire - de P. Roth.
A force d'être aussi clinique dans ses descriptions de destins croisés, d'être aussi précis, on finit par ne ressentir qu'un grand détachement, un grand rienàfout' de leurs vies à tous. Manque vraiment le soupçon d'empathie, qui ferait du livre une chose inoubliable.
Et on en vient à rater les grands moments de bravoure (les véterans vietnamiens) parceque justement ils ont été préparés pendant des dizaines de pages à être des moments de bravoures. J'ai la vaste impression qu'on cherche à me mettre de la poudre aux yeux et ça m'agace. Notez que j'ai longtemps pensé ca de Céline, mais au moins j'avais l'honneteté de ne pas l'avoir lu.
Comme si on avait fait une erreur au montage et mis la musique "suspense" en plein pendant la scène d'amour. Ou pire pendant la scène d'images de montagnes au début du film, pendant le grand travelling qui va nous amener à la maison du héro.
Il y a donc quelque chose de faux au royaume du danemark. On pourrait me rétorquer que Roth n'a que foutre de mon empathie pour ses personnages. On pourrait ouais. Mais moi je lui demanderai bien si il en ressent au moins un peu. parceque quelque part, ça me rassurerai.

Splendeurs de la littérature canadienne (1)

Ma femme* (canadienne) me dit souvent... que les clichés européens sur les canadiens avec leurs Ours sont un peu ridicules. Que nous les français on fait rien qu'à croire que l'ours polaire rôde partout et bouffe leur sirop d'érable.
Bon.
N'empêche que c'est elle qui a trouvé ce livre et me l'a ramené d'une librairie de Vancouver.
Ca s'appelle "Bear". Je ne l'ai pas encore lu. C'est une femme qui tombe amoureuse d'un ours et qui fait plein de trucs avec lui. Ca n'est ni... humoristique, ni euh porno. Non c'est serieux. Plutôt du genre Harlequin.

Promis je m'essaierai à le lire pour un prochain post.

http://members.tripod.com/~The_Mighty_J/pics/bear.gif


* : ca y'est ! je l'ai fait ! je l'ai appelé "ma femme" . HA HA HA

Slavomir Rawicz n'est pas du genre à se plaindre ("A marche forcée")

Une histoire vraie et hallucinante. 1940. Rawicz est un capitaine polonais qui évite le massacre nazi de justesse (ah l'attaque valeureuse de la cavalerie contre les tanks !) et s'enfuit en URSS... la bonne idée... prison pour espionnage où l'on cherche a le faire avouer, mais sans le tuer, en le maintenant juste en vie. incompréhensible machine communiste qui veut absolument produire des aveux. torture. il tient. Loubianka, sous sols du KGB. un an de galère. Aveux signés de force. Condamnation à 25 ans de goulag. Long voyage hivernal en train. 3 semaines je crois. Puis deux mois a remonter en sibérie vers le cercle polaire. le livre est à suivre sur une carte. puis c'est l'évasion et la déscente à pied vers l'Inde via Gobi et l'Himalaya.
Une paille !
Ca n'est pas vraiment "écrit". C'est un récit rédigé par un journaliste sur les dires de Rawicz, qui vit toujours, et c'est chose à peine pensable. Qu'un être humain comme vous et moi en soit passé par là. S'en soit finalement sorti indemne (voir quand même le châpitre sur l'hôpital où le convalescent pendant un mois accumule du pain sous son oreiller et tente de s'enfuir toute les nuits. Les infirmières restent patientes). Derrière l'exploit une certaine élégance des rapports humains, à laquelle on a du mal à croire, une sorte de scoutisme à la dure où l'on perd ses dents et souffre en silence. patriotisme de rigueur. C'est un drôle de livre.

Haruki Murakami - La course au mouton sauvage

Une femme aux oreilles sublimes, un mouton qui rentre dans les têtes et donne des tumeurs au cerveau, un publicitaire poursuivi par des yakuza, l'extrême droite japonaise, et cette impression sourde, inquiétante qu'à trente on est encore rien mais que l'on a tout dit. cette inquiétude générale, tristesse qui n'a pas de nom, humour gris. C'est un très beau livre, "la course au mouton sauvage", un petit peu surréaliste, un petit peu zen, un peu rohmer, un peu kitano. Petites touches; dépassionné, touchant. A ne pas confondre avec l'autre Murakami. Celui qui fait des livres où des femmes fouettent des hommes qui fouettent des femmes.

mercredi, juillet 20, 2005

Conrad FIGHT ! (1)

En lisant Conrad, je me suis senti tout petit, et c'est une chose délicieuse et frustrante à la fois.
Petit face aux éléments déchaînés qui sont le principal personnage de presque toutes ces histoires. Mais aussi, bien sûr, petit face au personnage. Qui a eu une vie aussi remplie ? Qui a vu autant de pays, avion contre vapeur ? Comme si certaines vies se déroulaient sur une sorte de ligne temporelle parallèle, vitesse accrue.


"il éprouva soudain une troublante sensation d'insécurité, la notion bizarre, absurde et instantanée que la maison avait remué légèrement sous ses pieds" (Le retour)
Un monde s'écroule. Le merveilleux n'a plus lieu d'être. Le surnaturel n'est plus. Les bateaux ne hantent plus seuls les mers désolées. Le monde est devenu le terrain de jeu, ou plutôt le bureau de la civilisation occidentale. Ce que Conrad cherche pourtant dans ses portraits d'hommes ultimes ou en situations ultimes, c'est à réintégrer le merveilleux, mais dans l'homme. Une sorte d'humanisme surnaturel, peuplé de fantômes et de revenants errants, qui ont pignon sur rue. Qui existent. Souvenirs, impalpables sensations. Tout est au bord de venir d'une autre dimension, mais tout est "vrai". Conrad est une sorte d'anti Oscar Wilde. Il ne croit pas aux fées. Mais il voit les fantômes qui nous terrorisent. Nos mauvais souvenirs, nos mauvais présages, nos mauvaises illusions, nos mauvaises vies. Les orages sont aussi forts, les falaises aussi hautes, les présages aussi sombres que dans Frankenstein ou Byron, mais le monde est bien plus cru. Phrases ultimes. On en sourri des fois parceque qui oserait une telle accumulation de verbe maintenant ?
"Une bouffée de vent froid (...) lui effleura le visage d'un frôlement gluant. Il aperçut les ténèbres sans fin où l'on distinguait un noir fouillis de murs entre lesquels de nombreuses rangées de réverbères s'étendaient à perte de vue, comme des perles de feu". Le romantisme est presque tout crevé. Freud pointe le bout de son nez. La réalité apparaît dans toute son impensable densité, aussi surpeuplée et aussi floue que les limbes. Et l'on sent, presque palpable, la dissolution de l'ancien monde, celui du spirituel, qui disparaît comme la course à l'échalotte coloniale le refaçonne à la truelle.

lundi, juillet 18, 2005

Belle du seigneur, la der des ders

Voilà j'ai finalement réussi. Il ne fallait pas en faire toute une histoire de ce fichu pavé. Il m'avait toujours impressionné, je le regardai depuis déjà quelques années du coin de l'oeil... sa grosse tranche qui insultait ma flemme trônait au milieu d'autres livres de moindre poids. Et au niveau densité, nombres de mots, technologie de brochure-poche, on est bien servi. 1100 et quelques pages bien découpées, bien justifées, bien imprimées. Mais c'est cette masse qui rend ce livre si attirant. Cette masse et son titre. Mystique, amoureux, lyrique. On a un peu la trouille de se lancer, épuisé d'avance, mais on a bien envie de relever le défi d'une longue, difficile, ténébreuse histoire d'amour. Et pourquoi pas ?
Ce coup-ci j'ai évité de débuter le livre un soir fatigué dans mon lit, meilleur moyen de ne jamais passer les 20 premières pages. Je l'ai lu en vacances. J'ai à peine vu les pyrénées du coup. Et je ne suis toujours pas sûr que le jeu en valait la chandelle.

C'est un livre lourd. Une fresque au poids. Un livre bavard. Des dizaines, des centaines de pages pour créer un "vrai" univers, pour exprimer chaque idée dans "toute" son infinie complexité. Des personnages décrit jusque dans leurs respirations les plus intîmes. Tellement qu'on en vient à se demander à quoi bon...
Adrien Deume, l'anti-héro, le cornu. L'homme veule, presque touchant d'ambition, des châpitres longs comme le désert de Gobi sur sa vie à la SDN, ses tailles-crayons, son bureau, ses dîners, ses promotions rêvées ou réelles. Si ça n'était pas si année 30, ce serait presque Houellebecquien. Vacuité totale de l'existence.
N'empêche que le caractère est si exagéré, si poussé dans la veulerie et l'amour de lui même, qu'il en devient un archétype, un "pilier comparatif", un miroir de certains de nos travers. De mes travers peut-être. Je me suis reconnu dans une part de sa terrible médiocrité. Comme on se reconnait toujours un peu dans le caractère du très méchant, le chef de l'organisation Spectre, le Dealer, le bourreau, le juge, le proxénète, le salaud, si il est un tant soi peu intéressant. Et bien Adrien Deume est de loin le personnage le plus intéressant du bouquin. Le reste est partagé entre juifs exubérants façon Mangeclous, juifs errants, juifs bavards comme visiblement Cohen aime à les raconter et vieilles rombières suisses religieuses à mourir d'ennui, voisines de bureau, de quartier ou d'hôtel. Le "monde" comme entité mondaine y a une large place. Il est à mourir d'ennui aussi. Hitler ou plutôt la haine du juif est partout. Les années 30. Mais rien de toute celà ne m'a vraiment accroché. Je lisais, tournant les pages nerveusement, comme écrasé par le poids du "encore à lire", et priais pour qu'au moins au chapitre suivant nous quittions cet interminable monologue intérieur qui franchement, à la longue....

Le centre du livre, sa charnière, son intérêt majeur, ce qui a fait mouiller des générations de futures jeunes femmes et bander autant de jeunes hommes en mal de référents sexuels, c'est Ariane et Solal. Pimbêche oisive et sublime d'un côté, séducteur libre, dieu-pan et homme du grand monde de l'autre (rien moins qu'un sous secrétaire général de la SDN, et poête, aventurier et spéculateur avec ça ! ).
L'amour les prend et les isole du reste du monde. Telle est l'idée majeure du livre, la passion exclusive qui les dévore et fait d'eux des parias. Quelques pages très belles sur la mélancolie de ceux qui sont sortis du monde. et puis des centaines de pages tristes. de résignation devant la future fin. des geignements à n'en plus finir de l'amant qui sait qu'un jour, bientôt, la fête sera finie. qu'elle est déjà finie mais qu'on maintient les apparences. AY !

Et plus j'avançais plus je m'enfonçais dans une sorte de mélasse mélancolique un peu addictive, un peu écoeurante, dont je ne savais plus trop comment me dépétrer. Je passais des pages, sautais des pragraphes entiers pour échapper à mon sort malheureux. Le livre m'épuisait. Je l'ai donc "fini" mais j'étais heureux d'en finir. Peut-être suis-je un peu vieux, ou un peu trop cynique. Peut-être aussi, surtout, ce livre est il un tantinet surestimé. J'ai en tout cas du lutter, devenir un marathonien de l'amour triste, un stakhanoviste de la mélancolie. Je l'ai méprisé, j'ai voulu le jetter, passer à autre chose, ouvrir une BD. Mais je l'ai fini. Tant bien que mal. Plutôt mal que bien. Et les personnages et leurs monologues interminables sont finalement restés quelque part, dans un coin de mon âme, tapis, modèles d'expériences non vécues qui nous en disent sur l'humain. Peutêtre cela valait-il le coup d'en chier un peu. De souffrir du dos penché sur la table de la terasse. De louper quelques ploufs dans la piscine. Un peu de vécu de perdu, un peu de vécu grapillé. Echange standard.
Belle du seigneur 1, maison Ollendorff 1, à vous Cognac-Jay.